mercredi 26 décembre 2012

La banquise

Jeudi 20 décembre. J’ai vécu ma première tempête en Antarctique. Petite tempête liée à une dépression au nord qui a tout de même donné des vents de plus de 100 km/h et des chutes de neige réduisant la visibilité jusqu’à 100m environ.
Cela fait déjà 10 jours que je suis arrivé à Dumont d’Urville. Jusqu’à présent, j’ai passé une grande partie de mes journées à la station météorologique. Didier, le chef de station de la mission 62 m’explique le travail quotidien, le radio sondage, la prévision ainsi que les difficultés qu’il a pu rencontrer durant son séjour.
Chaque matin nous lançons une sonde, qui accrochée à un ballon gonflé à l’hélium analyse les différentes couches de notre atmosphère du sol jusqu’à 25 km environ. Durant son vol la sonde enregistre des données de vent, de température, d’humidité et de pression et les transmet  à la station par radio. Les données ainsi collectées sont traitées, analysées et transmises à Toulouse. 

Vendredi 21 décembre. Le beau temps semble à nouveau s’installer. C’est l’occasion d’aller faire une marche sur la banquise. Didier, Emile Angel et moi décidons de partir vers l’archipel de Gouverneur.



Me voici enfin sur la banquise. Un territoire nouveau pour moi et immense à explorer. Le paysage est grandiose et très impressionnant. En cette saison, les températures sont douces. Elles varient de moins 6 degrés la nuit et deviennent légèrement positives en milieu de journée. Nous progressons avec précaution car la banquise est fragilisée par endroits et la surface peut-être molle. Il faut faire attention à ne pas s’enfoncer. J’ai amené un bâton afin de sonder la glace devant moi.
Les consignes de sécurité sont sévères mais nécessaires : sac à dos avec change dans une poche étanche, radio, et être au minimum 3 personnes.
Nous avons marché jusqu’aux iles du Bélier et du Capricorne. En chemin nous avons été salués par un petit groupe de jeunes manchots empereurs curieux ou peut-être intrigués par notre présence.
 


Au loin, nous apercevons une masse émergeant au-dessus de la banquise. C’est un petit iceberg, prisonnier de la banquise. Nous nous y sommes approchés. Au pied un jeune phoque de weddell somnolait à côté d’une polynie (un trou d’eau libre).
 







Il est 17h, il faut retourner à la base. Nous ramenons tous, dans nos appareils photos des images extraordinaires, des souvenirs à partager.
 




lundi 17 décembre 2012

Arrivée DDU



Quelques images de notre traversée.






Lundi 17 décembre. Cela fait presque une semaine que nous avons rejoint la Terre Adélie.
Que d’émotions à la descente de l’hélicoptère qui m’a amené du bateau. Je foule enfin la base de Dumont d’Urville. Mon rêve se réalise. Je vais vivre une année sur ce territoire à la fois hostile et grandiose entouré de glaces et d’icebergs. L’accueil est chaleureux, tout le monde est souriant, nous sommes attendus par tous. La relève est enfin arrivée.


J’aperçois Didier et Fred sur la passerelle du séjour. Tous deux travaillent à la station météorologique. Didier est le chef de station, c’est lui que je suis venu relever. Après quelques échanges sur notre voyage, ils me présentent les lieux : le séjour, lieu de vie et de restauration et le bâtiment 42 où sont situées les chambres des hivernants. Ma chambre a été préparée, c’est la chambre 23 au premier étage. De ma fenêtre j’aperçois la mer et au loin les icebergs qui dérivent lentement au gré des vents. Quel spectacle !


Sitôt le repas de midi terminé, nous commençons la visite de la station météo : la salle d’exploitation, lieu où je passerai la majeure partie de mon temps de travail, l’atelier de maintenance qui sera désormais le bureau d’Erwan et l’abri de gonflage des ballons de radiosondage. Nous découvrons quel sera notre travail, le « manex » (le manuel d’exploitation, la bible du météorologiste de DDU) et les différents documents et outils que nous devrons connaître. Puis Fred nous emmène faire le tour de l’île des pétrels, l’île où est située la base. Nous sommes sur une île, mais rien ne permet de voir ses limites. Elle est rattachée au continent par les glaces de mer encore présentes en cette saison.


Ce mardi 11 décembre aura été une journée chargée en joie et en émotions.


Je n’aurais pas vu le temps passer cette première semaine, entre la prise de poste et passation de consignes. Frédéric et Géraldine, les deux techniciens n’ont eu que deux jours pour nous expliquer leur travail. Heureusement Didier restera avec nous quelques semaines. Il ne partira qu’à la prochaine rotation (R2).

Vendredi 14 décembre. L’Astrolabe a repris la mer. Une tempête a été annoncée par la météo pour le weekend. 15 hivernants de la mission précédente (de la TA62) font partie du voyage.
 


mercredi 12 décembre 2012

Le voyage


Voici quelques nouvelles fraiches voire glacées.

Après plus de 36h d'avion escales comprises, nous sommes arrivés le samedi 1er décembre dans la matinée assez fatigués à Hobart, au sud de la Tasmanie. Nous n'avons eu que peu d'heures pour profiter de la ville, l'Astrolabe nous attendait pour prendre la mer.

Ce samedi 1er décembre à 17h locales (10h de décalage avec la France) le bateau quittait le port. La météo annonçait du gros temps pour les prochains jours. Presque tout le monde a pris un patch contre le mal de mer. Moi, ça m'a permis de tenir relativement le coup. En revanche, certains d'entre nous ont tout de même souffert de ce mal et n'ont pas quitté leur couchette durant plusieurs jours.

La mer a été très agitée durant les 3 premiers jours de la traversée, avec des creux atteignant parfois les 5 ou 6 mètres. L'Astrolabe tanguait de l'avant vers l'arrière et de bâbord à tribord. Difficile de tenir debout et de se déplacer dans les couloirs sans être projeté d'un bord à l'autre. Un seul remède, rester allongé et subir couché les mouvements incessants du bateau.

Mardi, la mer a commencé à se calmer. Nous n'étions plus très loin du pack, tant attendu par tous.

Jeudi à 5h du matin, Benjamin qui avait veillé toute la nuit pour voir le premier iceberg me réveille. Ca y est, nous y sommes. Les premières glaces sont là. Juste le temps de m'habiller et de prendre mon appareil photo et me voilà sur la passerelle (cabine de pilotage). C'est enfin le moment tant attendu, la mer est devenue très calme et le bateau ne bouge quasiment plus. Tout au long de la matinée nous assistons à un spectacle fascinant. Apparaissent tout d’abord quelques morceaux de glaces usés et façonnés  par la mer, aux formes surprenantes puis les glaces de mer sont de plus en plus importantes. Aux petits glaçons flottant succèdent des plaques de plus en plus grandes. Un paysage fantastique s'offre à nous. Nous avons franchi les 64ièmes sud et le pack n'est plus très loin. Déjà les premiers icebergs croisent notre route. Quelques phoques et manchots installés sur des morceaux de banquise nous regardent passer. En milieu de journée nous croisons une baleine. Beaucoup d'émotion et de sensations fortes durant la journée.


Jeudi 6 décembre. La banquise s'est considérablement épaissie et la progression du navire a ralentie. A la fin de la journée nous ne sommes qu'à une centaine de km de la base Dumont d'Urville (par 65°15 sud), mais le bateau n'avance que très lentement.

Vendredi 7 décembre. Nous avons changé d'heure (9h de décalage avec la France). Au réveil nous découvrons un paysage tout à fait différent des jours précédents. Tout est blanc, on ne distingue plus l’horizon, la mer complétement recouverte de glace se confond avec le ciel. C’est ce qu’on appelle une journée blanche. Le bateau n'a presque pas avancé durant la nuit. Les écrans affichent 65°23 sud. Le pack est compact et les glaces épaisses. Au beau milieu de la matinée, l’Astrolabe n’avance plus. Progressivement, en début d’après-midi, le soleil fait une apparition, le ciel s’illumine et nous découvrons enfin cette immensité à la fois majestueuse et terrifiante. Il est 17 heures et nous sommes là tout petits au milieu du pack. Notre position : 65°36 sud. Autant dire que nous n’avons guère progressé depuis ce matin. L’Astrolabe essai de se frayer un chemin, au travers de diverses manœuvres consistant à reculer afin de prendre de l’élan et briser la glace par son poids. Nous voilà prisonnier au beau milieu de ce pack très épais qui s’étend à perte de vue. Nous nous déplaçons très lentement à une vitesse moyenne de 1,5 kt. Nos seules activités, manger, se reposer, faire des photos, essayer de fixer son attention sur quelques films histoire de passer le temps et surtout attendre.


Samedi 8 décembre. Toujours autant de difficultés pour avancer dans ce pack devenu très épais. Les journées commencent à devenir longues. Heureusement, quelques distractions s’offrent à nous sur notre route. Nous croisons plusieurs groupes de manchots. Dans l’après-midi le bateau est arrêté par un phoque qui dort sur la banquise juste devant la proue de l’Astrolabe. La sirène gronde pour le faire déplacer. L’animal ne veut pas bouger. Après tout il était là avant nous. Finalement, il finit par partir et le bateau reprend sa route.  Nous n’irons pas loin puisque dans la nuit l’Astrolabe sera immobilisé sur la banquise. La météo de DDU annonce pour dimanche une tempête avec des vents très forts.


Dimanche 9 décembre. Nous ne bougeons depuis 1 heure du matin. Nous sommes carrément posés sur la banquise. Notre position : 65°40 sud. Dehors le vent souffle très fort, avec des rafales dépassant les 100 km/h, la neige tombe à l’horizontal et la visibilité est très réduite, 10 mètres environ. C’est notre premier blizzard. Les hublots sont chargés de neige ce qui nous isole encore plus. David, le médecin de la mission nous propose de regarder l’intégrale de « starwars ». Nous aurons droit au premier épisode dans la matinée, puis le second en début d’après-midi, le troisième et le quatrième dans la soirée. Belle journée en perspective !!!


Lundi 10 décembre. Dans la nuit, grâce à la tempête, l’Astrolabe a pu se dégager et a repris sa route. Nous sortons du pack dans la matinée. Encore 50 km à parcourir pour atteindre la base. Nous y arrivons dans l’après-midi, mais le vent est trop fort pour pouvoir accoster. C’est le lendemain matin, le mardi 11 décembre que nous rejoignons enfin la base en hélico.