mercredi 30 janvier 2013

Vendredi 25 Janvier 2013.
Le vent a soufflé toute la nuit. Ce matin le mauvais temps a succédé aux belles journées ensoleillées qui avaient salué le retour de l’Astrolabe. La neige est tombée toute la nuit et la base a revêtu sa robe blanche hivernale. En allant prendre mon petit déjeuner, je croise la petite colonie de manchots adélie qui s’est installée tout près du séjour. Il y a là des adultes et des poussins de quelques semaines.


Le vent souffle déjà à plus de 80 km/h et la tempête va se renforcer en cours de journée. Je regarde ces poussins blottis les uns contre les autres pour garder un peu de chaleur. La neige a recouvert leur fragile duvet gris et j’éprouve un peu de compassion pour ces petits animaux devant affronter la rudesse du climat.


Je me dépêche de prendre mon petit déjeuner pour aller aider Erwan, de service à l’exploitation aujourd’hui, à faire le lâcher de ballon.
Tous les matins vers 09h15, nous effectuons un radiosondage. A l’aide d’une sonde accrochée à un ballon gonflé à l’hélium et équipée d’un système GPS ainsi que de capteurs mesurant la température et l’humidité, nous analysons la couche verticale de l’atmosphère jusqu’à une altitude d’environ 25 km. Ce matin, le vent est violent et je sais que le lâcher sera difficile. Après un premier essai hasardeux le ballon s’envole sous le regard curieux des manchots adélie nichant au pied de la station et à la grande satisfaction d’Erwan.



Lundi  28  janvier 2013.
Je ne pouvais pas continuer à parler de la Terre Adélie sans présenter nos petits compagnons avec qui nous partageons l’île des Pétrels et plus globalement l’Archipel Géologie. Il y a plus de 35 mille couples qui nichent actuellement sur l’archipel. Ils sont partout, sur tous les rochers, autour des bâtiments, à côté de la station météo, et au pied de l’abri de préparation du radiosondage.

Le manchot adélie pèse environ 3,5 à 4 kilos et mesure environ 70 cm. Au moment de la reproduction, il accumule de la graisse et son poids peut atteindre les 7 kilos. On le trouve sur les côtes du continent antarctique. La population totale est estimée à plus de 2 millions de couples.


Ils arrivent sur l’archipel Géologie fin octobre et la pondaison commence début novembre. Ils établissent leurs nids sur des rochers non recouverts par la glace ou la neige et utilisent de petits cailloux qu’ils disposent tout autour du nid.
Il existe plusieurs colonies sur l’île des Pétrels. Sur son nid, le manchot adélie a un comportement agressif pour défendre son territoire.


Le manchot adélie est un animal marin, il passe principalement son temps dans l’eau. Entre automne et printemps, il passe la plupart de son temps à se reposer sur des floes et ne pèche que quelques heures par jour.
Un floe est un fragment de glace de mer relativement plat ayant 20 mètres ou plus d’extension horizontale.



Au printemps il pèche davantage afin de constituer une provision de graisse pour sa migration et la reproduction.
Il nage entre 3 et 5 mètres de profondeur à une vitesse d’environ 7 km/h, mais il est capable d’atteindre des pointes de vitesse de plus de 20 km/h. Pour se nourrir il plonge généralement entre 30 et 50 mètres mais il est capable d’aller en dessous de 170 mètres.
Son alimentation se compose essentiellement du krill, de petits crustacés et de poissons céphalopodes.




La pondaison commence donc début octobre. Une couvée comporte généralement 2 œufs. Les 2 parents se relaient pour la couvaison. L’incubation dure entre 32 et 37 jours. A la naissance le poussin pèse environ 85 grammes. Il est recouvert d’un duvet gris clair. Les 2 parents se partagent alors la tâche de nourrir leurs poussins.


Les jeunes poussins subissent la prédation des rapaces, notamment des skuas qui les attaquent afin de nourrir leurs propres poussins. Dans l’eau le plus grand prédateur du manchot adélie est le léopard de mer.



Au bout de 3 semaines les poussins se regroupent en crèches. Les crèches comportent environ 5 à 8 poussins. Ils reviennent au nid à l’appel de leurs parents.
Au bout du 40ième jour ils atteignent leur masse adulte. Ils ne deviennent indépendants de leurs parents qu’au bout du 50ième jour.










dimanche 27 janvier 2013

Mardi 15 janvier 2013.
Ce mois de janvier aura été doux avec des températures souvent au-dessus des zéros degrés. Nous avons eu de belles journées avec du soleil, notamment le 6, jour de la baignade, ainsi que les 7, 10 et 11 janvier.
Hier et aujourd’hui il y a eu un gros coup de vent avec des rafales à plus de 140 km/h. La tempête a accéléré la débâcle et de nombreuses plaques de banquise sont parties au large.



L’île des Pétrels est maintenant isolée du continent par la mer. Il nous faudra attendre le mois de mars voire avril, pour que les glaces de mer se reforment à nouveau et ainsi recommencer à faire des sorties.
L’Astrolabe a quitté Hobart le 10 janvier. Cette année le pack est très dense et très compact. Le navire a eu du mal à le passer mi-décembre lors de son retour à Hobart. Le bateau y est resté bloqué 15 jours. Nous suivons sa progression avec beaucoup d’intérêt. Il emmène avec lui une partie de nos vivres pour l’hivernage, des produits frais, des fruits, des légumes, des yaourts et du gasoil indispensable pour faire fonctionner la base. La centrale électrique en consomme tous les jours 1 mètre cube.

Dimanche 20 janvier.
Ma journée de repos…
Le repos ne veut pas dire que l’on ne travaille pas. Il indique simplement que nous ne sommes pas de service sur le poste « exploitation ». Je présenterai d’ailleurs la station météo et le travail qu’on y fait dans un prochain message.
Un peu de sport dans la nouvelle salle spécialement équipée par l’IPEV l’année dernière pour commencer la journée avant de regagner la station. Cette activité est essentielle pour compenser l’excellente cuisine de Dominique à laquelle j’ai beaucoup mal à résister.
Vers 11h15 j’entends sur l’interphone de la station un appel général. Le sea-truck qui opérait vers Prud’Homme a repéré des orques qui se dirigent vers l’est. Vite, je cours vers le 42 chercher mon appareil photo. En chemin je croise d’autres personnes qui comme moi ont entendu l’appel et se dirigent vers le local de radiosondage qui domine la mer. Je scrute l’horizon et je finis par les apercevoir ou du moins les deviner à quelques centaines de mètres de la côte. La joie se dessine sur les visages et les appareils photo chauffent. 


 
 
20 heures.
L’Astrolabe est bloqué dans le pack depuis plusieurs jours déjà. Patrice, le responsable de la logistique nous tient au courant de sa progression régulièrement.
Ce soir, j’ai commencé à écrire mes lettres. Les enveloppes sont déjà prêtes avec timbres, adresses et de nombreux tampons, celui de l’équipe météo bien sûr, celui de Willy le Pateux, de Maxime le Dista et bien d’autres encore. Celles parties le 15 décembre ne sont toujours pas arrivées dans les boites aux lettres.

Mercredi 23 janvier.
La nouvelle nous ait parvenue hier soir. L’Astrolabe est sorti du pack, il navigue désormais dans la polynie. Il accostera au rocher du Lion ce mercredi matin à 06 heures.
Ce matin tout le monde s’est levé de très bonne heure. La joie se lit sur tous les visages. L’arrivée de l’Astrolabe, c’est la venue de nouvelles têtes, c’est le courrier, ce sont les paquets, les produits frais …. Il est 05h30 lorsque je lève le rideau de ma chambre. Il est là, devant l’île des Pétrels et il s’approche tout doucement. La mer est calme, les nuages ont commencé à se dissiper et le soleil se montre déjà. Une très belle journée qui s’annonce.


Le bateau ne restera que 2 jours, juste le temps de débarquer sa cargaison, il quittera la base vendredi soir avec à son bord des hivernants de la TA62, une tempête étant annoncée tard dans la soirée.


 
Jeudi 24 janvier. Dernier repas de fête avant le départ.





20h30, c’est déjà l’heure. Les partants descendent à l’abri côtier et regagnent le bateau à pied. Nous les accompagnons jusque sur le quai. C’est le moment des grands adieux, nous échangeons les derniers mots, les derniers regards et on s’embrasse une dernière fois le cœur serré. L’Astrolabe largue les amarres et se positionne face au large. Sa sirène retentit alors. Le bateau quitte la baie accompagné par quelques-uns d’entre nous à bord du sea-truc.




  Voilà, la mission TA62 s’en est allée.


Ce soir le vent s’est levé, il se renforcera dans la nuit et vendredi matin nous nous réveillerons et découvrirons une base enneigée fouettée par un vent violent avec des rafales à plus de 110 km/h.


mercredi 9 janvier 2013

1er janvier 2013
L’année 2012 s’est terminée dans la joie et la bonne humeur. Repas festif avec  saumon, foie gras, langouste, bûche, vin blanc, vin rouge, champagne …tous les ingrédients pour un repas réussi.



David à la guitare, Emile à la basse, Julien à la batterie, Didier à l’harmonica et Benjamin le chanteur du groupe ont assuré l’animation de la soirée. A minuit, la fête battait son plein, chacun se laissait aller aux embrassades pour se souhaiter la bonne année et célébrer ainsi comme il se doit l’arrivée de 2013.


Jeudi 3 janvier 2013.
La première semaine de cette nouvelle année a été particulièrement clémente voire caniculaire. Le thermomètre s’est emballé et est monté jusqu’à +5,4°C. Les combinaisons polaires et les pulls ont laissé la place aux polos et aux chemisettes.
La banquise s’est transformée, sa surface a commencé à fondre faisant apparaître de larges flaques d’eau douce. Maxime, le dista, Julien le pécheur de la 62,  Thibault le pécheur de la 63, Julien le mécano (appelé aussi Perceval en référence à ses blagues nous rappelant un personnage de la série Kamelott) et moi-même sommes allés sonder la banquise vers Gouverneur, petit archipel situé à 3 kilomètres et demi de la base. La  glace est devenue très molle. On s'enfonce facilement. Tout au long de notre chemin, nous procédons à plusieurs sondages. A l’aide d’une longue mèche nous perforons le sol enneigé afin d’analyser sa résistance et l’épaisseur de la couche. Dans la première moitié de son épaisseur la banquise n’a aucune consistance. La mèche s’enfonce facilement, sans effort, sur au moins 80 centimètres. La banquise n’est plus sûre, il devient dangereux de s’y aventurer. Les sorties vont être désormais suspendues.



Dimanche 6 janvier, jour de l’Epiphanie.
La météo annonce une très belle journée avec un soleil généreux et pas de vent. L’occasion est trop belle pour la laisser passer. Ce sera le jour de la traditionnelle baignade annuelle, que nous n'avions pas pu faire le 1er janvier, le temps ne s'y prêtant pas.
Tout le monde ou presque a mis son maillot et se prépare à plonger. L’équipe médicale est présente. Antoine, le plongeur a revêtu sa combinaison et nous attend dans l’eau qui est seulement à -1,7°C et l’air à +2,5°C ! Cela va être terrible ! J’hésite encore à y aller. Je redoute la blessure ou la brûlure brutale qui pourrait m’être infligée. Quelqu’un derrière moi explique que dans une eau glacée, à cette température, la survie n'est que de 3mn environ. Rien d’encourageant….. Tout ça ne m’incite pas à y aller, mais quel dommage de rater cette occasion unique et exceptionnelle qui nous est donnée de se baigner en Antarctique.
Le sea-truck, petite barge d’une dizaine de mètres environ, s’est amarré à proximité des berges enneigées et nous attend. Nous montons et nous nous préparons pour le grand plongeon. Une première vague de 5 personnes se décide et saute dans l’eau sous les feux des photographes restés sur la banquise. J’entends leurs cris de douleur et de joie. Ils ne restent pas longtemps et remontent rapidement sur l’embarcation. Vient ensuite la seconde vague, puis vient mon tour.
Je m’approche du bord et ressens une morsure profonde lorsque mon pied touche la flaque d’eau laissée par les premiers baigneurs. J’y vais. Je saute sans trop réfléchir. Surprenant, saisissant, bien plus que tonifiant, je pousse moi aussi un cri de froid et de joie. Je suis resté moins de 10 secondes dans l’eau avant de ressortir.
J’y suis retourné une seconde fois et cette fois-ci j’ai tenu un peu plus longtemps.







La baignade terminée, le bosco nous offre une promenade en mer au large des icebergs et aux abords du glacier Astrolabe. Les images sont exceptionnelles, la mer est tel un miroir où se reflètent les bergs que nous croisons. C’est un spectacle grandiose auquel nous assistons.





Une journée qui restera gravée dans nos esprits, une activité qui soude le groupe  et qui marque le véritable début de notre séjour qui va durer une année.