mardi 22 octobre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois de septembre 2013.

Enfin un mois plus chaud, plus lumineux, plus neigeux mais surtout plus venteux que les années passées.
Ce mois de septembre a été marqué par  des phénomènes telle l’apparition de murs de neige venant du continent accompagnés de vent catabatique violent et de chasse neige en grand excédent par rapport aux normales.
Avec une température minimale de -23,9 °C enregistrée le 12 et maximale de 3°C le 18, les températures moyennes restent bien au-dessus des normales saisonnières.



On a comptabilisé beaucoup de vent fort, bien plus que la moyenne climatique soit 24 jours avec un vent supérieur  à 60km/h, dont 19 au-dessus des 100km/h et  8 jours au-dessus des 140km/h.


Enfin le mois a été très lumineux avec 17% d’ensoleillement en plus par rapport aux normales, soit un cumul de 172,2 heures d’ensoleillement.



Dimanche 13 octobre.

L’hiver est derrière nous, les journées ont rallongé sensiblement. Les premières lueurs du jour apparaissent déjà vers 4h30 du matin lorsqu’il n’y a pas de couche nuageuse dans le ciel.
Ce matin le ciel a revêtu sa robe bleu pâle et le vent présent depuis plusieurs semaines s’est enfin calmé. Il est 6h30 lorsque je sors du bâtiment 42 – le bâtiment de nuit – et regagne le séjour goûtant la fraicheur matinale d’une belle journée en Antarctique. Il fait à peine -10 °C. Le soleil a déjà commencé à réchauffer l’atmosphère. Au séjour,  je croise Angel qui vient de terminer sa nuit à la centrale électrique. Il a dressé la table et préparé le café pour le petit déjeuner. Il part se coucher. Je m’installe alors après avoir salué Dominique lui aussi déjà levé et déjà très actif dans sa cuisine.
Maxime ne tarde pas à me rejoindre. Nous avons prévu une sortie matinale sur la banquise afin d’aller voir un berg dont la face coté EST laisse entrevoir des veines brunes semblables  à une dalle de marbre. Je suis souvent passé à côté de ce berg, mais à chaque fois cette face m’est apparue dans l’ombre, le soleil étant alors trop bas à l’horizon ou trop à l’ouest en fin de journée.
Il est 8h30 lorsque nous partons. Michel le radio et David le médecin de la base nous ont rejoints. Le départ est presque chaque fois le même. Je me dirige vers la croix Prudhomme dressée en hommage à un ingénieur météo disparu dans les années 50 alors qu’il était parti faire des mesures. Le chemin commence par une pente douce et fini par une pente plus prononcée que nous empruntons sur les fesses tel un toboggan. Nous voilà alors sur la banquise. Le vent de ces derniers jours a fait disparaitre la couche de neige supérieure. Sur plusieurs centaines de mètres nous marchons avec prudence sur de la glace vive. Afin de ne pas chuter nous avons équipé nos chaussures de griffes. Il est tôt et pourtant le soleil est déjà haut dans le ciel. L’air est doux malgré la température négative. Nous nous dirigeons légèrement vers le nord-est afin d’éviter une zone de chaos provoquée par le mouvement de la mer sous la glace. Près du glacier Astrolabe, la banquise a changé d’aspect. Il y a maintenant de nombreuses rivières recouvertes par une fine couche de glace.
Sur notre chemin nous croisons quelques manchots revenant de la polynie. Ils parcourent plusieurs dizaines de kilomètres pour retrouver l’eau libre la plus proche afin de se nourrir.


Un peu plus loin, ce sont 2 phoques, une mère et son veau, qui se reposent sur la banquise. Notre passage ne semble pas les déranger.







La sortie aura duré un peu moins de 3h. Comme toujours la banquise, cette immense étendue de glace recouvrant la mer à perte de vue, parsemée d’icebergs aux formes impressionnantes et imposantes me procure  des émotions, un plaisir intense, le sentiment de faire partie des quelques privilégiés qui ont eu la chance de vivre une belle aventure en Antarctique.

Mardi 15 octobre, journée de comptage des phoques.
Chaque année, toujours à la même date, l’hivernant ornithologue a pour mission de recenser la population de phoques dans toute la zone entourant l’archipel de Pointe Géologie.
Il fait beau, le soleil brille dans le ciel et ce matin seule une petite brise glaciale nous rappelle que nous sommes sur les côtes du continent antarctique. Les modèles  météo sont optimistes pour les prochains jours. C’est une chance, nous allons pouvoir opérer dans de très bonnes conditions. Lunettes foncées et crème solaire sont aujourd’hui obligatoires. Des équipes de 3 à 4 personnes sont constituées. Après quelques ultimes recommandations le comptage va pouvoir commencer.
J’ai choisi une zone proche de la base. Ce n’est peut-être d’ailleurs ni la plus facile ni la plus intéressante. D’abord, cette zone comprend la partie située au sud de l’île des Pétrels, la zone de chaos, pleine de pièges, de rivières, de bosses  et de trous. Ensuite, c’est aussi là que nous trouverons le moins d’animaux. Qu’importe, il fallait bien que quelqu’un y aille. Me voilà parti en début d’après-midi avec Mathilde et David. C’est pour moi plus une balade, une opportunité pour aller prendre l’air, qu’un travail. Je prends le temps de m’arrêter près de la rookerie, attiré par un poussin perdu près du chaos. Il a dû certainement suivre des adultes partis se nourrir en mer. Il est seul dans une zone où les pétrels ont l’habitude de chasser.
Assis sur la glace, je l’observe à travers l’objectif de mon appareil photo. Tranquillement il se dirige vers nous et s’arrête à quelques mètres. Je reste quelques minutes à l’observer me demandant s’il sera capable ou non de rejoindre la rookerie à quelques centaines de mètres de là. Nous n’avons pas le temps de trop nous attarder, il faut y aller, les phoques nous attendent.


Le recensement de la zone ne prend pas beaucoup de temps, à peine 2 heures pour n’apercevoir que 2 phoques. Mathilde prend soin de noter les positions GPS et les caractéristiques des animaux.


Nous sommes sur le chemin du retour lorsque Christophe, l’ornithologue de la base, nous appelle sur la radio pour nous proposer de l’aider à finir une autre zone plus à l’est. Nous voilà partis, Cyril, David, Christophe et moi-même vers un îlot, la Dent, situé à environ 3 km à l’est de Dumont d’Urville.



Je ne vais pas être déçu. Il y a de nombreuses cassures, des trous d’eau et pas mal de rivières dans cette partie située très proche du glacier Astrolabe, des endroits parfaits pour apercevoir des phoques. Nous arrivons sur la zone au beau milieu de l’après-midi. Le soleil est encore très haut dans le ciel.
Ils sont là ! Ils semblent nous attendre allongés sur la glace par petits groupes de 3 ou 4. La chance est avec nous ce jour-là. Tandis que j’observe l’approche d’un pétrel géant, mon regard est attiré un phoque à quelques mètres de moi en train de mettre bas. Nous assistons à la naissance d’un veau - c’est ainsi que l’on nomme les jeunes phoques – moment extraordinaire. Moins d’une minute plus tard, le pétrel est déjà là en train de se nourrir du placenta.

 






Il est tout juste 19h lorsque je rentre à la base, mon esprit encore plein d’images extraordinaires et ma carte SD pleine de souvenirs.
Tracé de la sortie du 15 octobre 2013.