dimanche 22 décembre 2013

Derniers mails envoyés par Jean-Marie depuis DDU.

Vendredi 20 Décembre

"Dernier jour sur la base.
Le transport de fuel a échoué. L'IPEV a décidé de ne pas insister.
Je pense que nous allons regagner l'Astrolabe demain dans la journée si la météo nous le permet.
Le temps se gâte et un tempête approche avec des vents pas trop forts mais suffisant pour gêner ou empêcher les vols d'hélico.
De plus cette tempête sera accompagnée de chutes de neige ce qui n'arrange rien et risque de provoquer du "white out" sur la banquise.

L'avion parti en fin de matinée pour aller chercher à Dome C (Concordia) des chercheurs prévus au retour sur l'Astrolabe a du faire demi tour. Les conditions d'atterrissage sur Dome C étaient trop mauvaises.
La tempête sur DDU devrait durer plusieurs jours, peut-être jusqu'au milieu de la semaine prochaine. Je ne vois pas comment ils pourront arriver jusqu'ici à moins que le commandant du navire décide de les attendre.
Bref, c'est l'Antarctique et ses impondérables.

Ma valise est bouclée. Je suis prêt à partir dès qu'on me le dira.
"



Samedi 21 Décembre

"Je prends l'hélico ce matin  vers 9h15.
Je quitte DDU. La boite mail va être fermée. Inutile de m'écrire à cette adresse.
Je ne sais pas quand le bateau prendra le mer, peut-être ce soir, demain ou lundi.
Le pack est lâche, ça devrait passer. Une tempête est attendue pour ces jours-ci.
Ça devrait bouger en mer."

dimanche 15 décembre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois de novembre 2013.

Le mois de novembre a été plus froid, moins venteux, moins lumineux et moins neigeux que la normale.
Nous avons observé 5 jours avec présence de neige, 3 avec chasse-neige et 2 jours avec présence d’un mur de neige sur le continent visible depuis la station.
Les températures moyennes du mois sont plus froides que la normale climatique, on note un minimum de -16°C le 2 et un maximum de +1,6°C le 24 novembre.


Le vent moyen est nettement en-dessous des normales. La vitesse maximale enregistrée est de 140,4 km/h le 17, loin du record pour un mois de novembre égal à 194,4 km/h. On note 21 jours où le vent a été supérieur à 60 km/h dont 4 jours avec des rafales au-dessus des 100 km/h et 1 jour au-dessus des 140 km/h.


Ce mois a été moins lumineux que la normale. On note 295 heures d’ensoleillement, la normale étant de 353 heures.
Enfin la pression moyenne a été de 981,3 hPa.


Jeudi 28 novembre.

Avant mon départ pour ce continent au climat rude et hostile, j’avais imaginé ce que serait la vie ici au quotidien et je m’étais donné un défi.  Sur cette toute petite île de moins d’un kilomètre carré,  j’imaginais des journées courtes en l’hiver et des déplacements quotidiens réduits parfois à quelques centaines de mètres par jour. J’imaginais aussi de longues journées hivernales où le soleil ne ferait qu’une timide et brève apparition au raz de l’horizon, plongeant la base dans la pénombre durant de longs mois et limitant ainsi nos sorties sur la banquise. Ce défi, c’était de profiter de cet isolement pour fréquenter la salle de sports régulièrement et parcourir une distance en course à pied suffisamment marquante.
Il me fallait fixer une distance à la fois raisonnable et stimulante pour que je puisse me motiver.
J’avais ainsi décidé de courir 1000 kilomètres en Terre Adélie durant mon séjour. Ce défi me paraissait raisonnable à condition toutefois de pratiquer la course à pied en salle de façon assidue.
J’ai donc pris soin de noter, après chaque séance, les kilomètres réalisés sur mon classeur "Excel". Tantôt sur une épreuve d’endurance, tantôt sur du fractionné, j’ai passé ainsi de très nombreuses heures sur le tapis de course à pied de la petite salle de sport de Dumont d’Urville, écoutant sur un vieux poste stéréo situé dans un coin de la salle, quelques CD de musique dont le son se mêlait au ronronnement assourdissant du moteur électrique. Les kilomètres se sont cumulés, parfois j’atteignais 120 kilomètres dans le mois,  parfois 150.
J’ai franchi la distance des 1000 kilomètres le 9 août c’est-à-dire à peu près 4 mois avant la fin de mon séjour. J’ai alors réajusté la limite fixée l’élevant à 1500 kilomètres.
A partir de la mi-août la pénombre hivernale régresse lentement laissant la place à un soleil davantage présent tous les jours et surtout un peu plus haut dans le ciel. Petit à petit les journées rallongent et avec elles les occasions de sorties sur la banquise deviennent plus fréquentes. Les petites îles les plus éloignées de la base deviennent désormais accessibles. Privilégiant les sorties par beau temps, j’ai continué à  fréquenter la salle de sport lorsque le temps était gris, neigeux ou venteux.
J’ai accumulé ainsi progressivement les kilomètres et j’ai franchi la ligne des 1500 kilomètres le 28 novembre. Quelques amis fréquentant comme moi cette salle de part régulièrement étaient venus fêter avec moi l’évènement.



Ce jeudi de novembre, quelques amis sont venus partager avec moi la joie procurée par la réussite de mon défi personnel. Il y avait Johnny, Julien, Michel, Patrice, Emile et David.

Dimanche 1er décembre.
Le moment du départ se rapproche. La relève est en route et quittera Hobart le 3 décembre.
Tous ces paysages extraordinaires qui me sont devenus familiers vont bientôt me manquer. Il fait beau et je ne peux refuser l’invitation de Cyril et Guillaume qui me proposent d’aller voir la zone de chaos au nord du glacier Astrolabe.
De petites étendues d’eau de mer aux couleurs turquoises se sont formées à l’avant de ce géant de glace. La sortie ne prend que quelques heures pour un ravissement qui n’a pas son pareil.





Lundi 9 décembre.
Tôt ce matin le vent a forci. La tempête annoncée depuis plusieurs jours par les bulletins météo est arrivée sur  les côtes de la Terre Adélie. Les modèles indiquent ce matin  un minimum de pression à 953 hPA situé  par 61°20’ sud et 140° est. Très vite le vent se renforce. Les rafales dépassent déjà les 120 km/h au moment de mon lâcher de ballon sonde. Emile est venu m’apporter son aide. Le ballon,  chahuté par la turbulence du vent, exécute plusieurs tours sur lui-même puis  disparaît très vite dans les nuages chargés de neige.
Le vent se renforce progressivement et atteint les 162 km/h en début d’après-midi. Depuis la petite salle d’exploitation qui domine la mer de glace, je regarde la neige se soulever au-dessus de la banquise pensant que ce sera très certainement la dernière tempête que je verrai sur ce bout de Terre si loin de chez moi.
Il est 19 heures lorsque ma messagerie électronique me signale que j’ai reçu un courrier. C’est Olivier mon successeur qui m’informe de sa traversée. Ce lundi matin, l’Astrolabe était à 300 kilomètres de Dumont d’Urville. Face aux mauvaises conditions météorologiques, le navire s’est abrité dans la partie nord du pack et attend une accalmie pour rejoindre la polynie et s’approcher au plus près de la base.

Vendredi 13 décembre.

Il neige depuis une semaine.
L’Astrolabe n’est plus très loin, il est à 100 kilomètres de la base, bloqué depuis quelques jours au sud du pack. A Dumont d’Urville tout le monde s’active, range ses affaires,  prépare ses malles. Cyril, le responsable informatique de la mission, a programmé sur l’intranet de la base l’affichage en temps quasi réel de la position du navire ravitailleur. Chacun peut suivre son évolution.
Dans l’esprit de beaucoup d’entre nous la mission est terminée. Les esprits sont un peu tendus. C’est l’attente,  l’attente de l’arrivée de l’Astrolabe dans la polynie, l’attente du premier vol de l’hélicoptère, l’attente du départ.
Mes malles sont bouclées, ma chambre est prête à accueillir Olivier mon successeur. Tout est prêt pour recevoir la nouvelle équipe. La relève sera courte. Nous n’aurons que quelques jours pour présenter la station et le travail à nos successeurs, voir avec eux la routine du quotidien, les tâches de fins de mois, les difficultés que nous avons rencontrées au cours de notre séjour et comment nous les avons résolues.